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Découvertes et révélations

Témoignages

Nous menons une véritable enquête pour comprendre les ressorts de notre histoire commune. Vous trouverez ici quelques témoignages sur ce qu'ont vécu les victimes et sur ce qu'elles vivent encore aujourd'hui dans le parcours difficile de leur reconstruction.

Garçon sur le rocher dans l’eau

Une enfance blessée

« Pas une journée depuis juillet 1979 sans que je ne pense à la Colonie du Sourire de Reims à Clefcy : l’odeur des sapins des montagnes vosgiennes, le goût du pain à la cantine, les sons du torrent au bas de la colo où nous étions tous contraints à nous laver nus avec l’abbé Prot, lui aussi totalement nu… l’odeur indélébile des douches où j’ai, comme d’autres, subi les attouchements répétés du prêtre, son obsession pour le « petit robinet » des jeunes garçons… et à jamais l’agression violente subie par lui sans témoins…

Je vis depuis 45 ans avec l’enfant abusé et blessé de 9 ans qui veut se faire entendre. »

Benoït *- 54 ans

* Par respect des victimes, les prénoms sont modifiés.

Levée partielle d'amnésie

« J'ai 55 ans. J'ai toujours vécu dans la dépression. Suivi depuis des décennies par des psychiatres et sous traitement permanent (anti-dépresseurs, anxiolytiques et somnifères), j’ai plusieurs fois eu envie d'en finir avec le sentiment d'un poids énorme à porter.

En septembre 2023, je décide d'explorer mon enfance. Premier constat, je n'ai aucun souvenir, ni aucune image de cette période de ma vie. J'ai, depuis toujours, un sentiment de malaise lié à la colonie du Sourire de Reims à laquelle j’ai participé en 1979 : j’avais 10 ans.

Après plusieurs heures de recherches sur internet, je finis par découvrir le témoignage d’une victime sur le forum de « la Parole Libérée ». La rencontre de ce témoin d’alors me révèle que plusieurs victimes de cet abbé se sont signalées et qu’une procédure a été engagée par le Parquet de Reims en 2020, validant les faits d’abus sexuels de l'abbé D. Prot et « la pluralité des victimes ».

Victime d’amnésie traumatique durant 45 ans, je prends amèrement conscience que celle-ci aurait pu être levée bien plus tôt si le Diocèse de Reims, ses évêques successifs, ainsi que l’Association du Sourire de Reims, colonie toujours en activité, avaient eu une démarche active pour signaler les faits et informer les victimes potentielles. »

Didier *- 55 ans

* Par respect des victimes, les prénoms sont modifiés.

Crédits photos : banque d'images Wix

Enfants dans la nature

Une emprise qui dure encore
 

« Début 1970, j’étais un petit garçon sage et souriant, bon élève et enjoué. J’intègre la Maîtrise de la Cathédrale en CM2.  J’adorais les cours de musique et de chants l’après-midi, les concerts à la cathédrale et à Paris. Les chants à la cathédrale se concluaient par une petite visite dans la sacristie où nous attendaient l’évêque et les prêtres. Il y avait aussi les cours de caté où on nous prêchait la bonne parole à laquelle on faisait confiance et puis… un grand vide. C’est à la Maîtrise de la Cathédrale que j’ai croisé l’abbé Prot. Très régulièrement, il nous emmenait dans son appartement, rue Brûlée, juste à côté.
Je suis devenu au fur et à mesure un mauvais élève et l’envie d’aller à l’école devenait de plus en plus difficile. On m’a alors classé comme un cancre, sauf pour le chant.

À l’âge de 30 ans, en partant aux sports d’hiver, je tombe brutalement en dépression sans savoir pourquoi.  Toujours sous traitement 30 ans plus tard, à l’heure de la retraite, j’ai pu enfin mettre des mots et des images sur ce mal-être.  En 1971 et 1972, j’avais une dizaine d’années, j’ai été envoyé par mes parents  en colonie de vacances au ski avec l'abbé Prot dans le Cantal puis à Clefcy. À cette époque, tout était beau et ils ne se doutaient pas de ce qui s’y passait… Des images, comme des flashs percutent la mémoire effacée de mon enfance : un grand bâtiment blanc à plusieurs étages comme un chalet, tout près d’un cimetière, non loin du Plomb du Cantal… et puis, la douche tout nu et l’abbé Prot qui contrôlait que tout était bien lavé. Il fallait faire attention à ne pas faire de bêtises sous peine d’être punis et emmenés le soir par l’abbé Prot et les moniteurs complices à quelques centaines de mètres quasi nus et revenir seuls dans le noir et le froid.  Je me souviens des dortoirs sombres et de cette chambre au fond, avec des rideaux beiges où dormait l’abbé, souvent avec d’autres garçons. Un soir un de mes copains est sorti de sa chambre avec une grosse tache sur le derrière de son slip. Je me souviens aussi des genoux de l’abbé : il me mettait sur ses genoux durant les confessions ; sa voix douce et posée me hante encore.

L’emprise de cet homme était telle que je lui ai demandé de célébrer mon mariage en octobre 1983. À cette époque, j’ai repris l’entreprise de mon patron. J’avais 19 ans et tout est passé très très vite, comme une fuite en avant ; s’accrocher au boulot pour tenir.

Depuis ce temps, je ne peux plus rentrer dans une église. J’éprouve une réelle oppression. Ne plus croire est difficile pour moi ; un besoin de se raccrocher à quelque chose…»

Georges *- 61 ans

* Par respect des victimes, les prénoms sont modifiés.

Photo ci-dessus fournie par Georges *, prise lors d'un séjour d'hiver avec Daniel Prot près du Plomb du Cantal  vers 1970-72. Merci de nous adresser un message si vous reconnaissez le lieu à :
co.abuses.reims@gmail.com

Des soins qui dérapent...
 

« Je ne me souvenais pas de son nom avant de le relire. Je ne me souvenais que de son prénom, le père Daniel... Je vous ai trouvé en faisant une recherche :

« abbé Daniel Reims pédophile »

J'ai bientôt 58 ans. J’étais allé, je crois avec mon frère et ma sœur, à cette colonie dont il s’occupait... Clefcy me semble-t-il en effet me rappeler. Je crois que c'était l’hiver mais sans certitude, vers 1977 ou 1978 (la date exacte m’intéresse si vous avez les archives des participants).

J'avais donc environ 11 ou 12 ans.

Voici l’abus qui me concerne. Lors d’une douche, j’avais glissé et étais tombé durement sur le coccyx. Il m’a emmené dans son bureau afin de me mettre de la crème... Pour l’appliquer, il m’a fait baisser pantalon et slip. Il m'a demandé de me pencher en avant, a fait le tour de mon ventre avec un bras au niveau de mon sexe et m'a appliqué vigoureusement la crème. Mon sexe cognait son bras sous ce massage vigoureux, et comme j'étais en puberté, je me suis mis à avoir une érection. 1er soir.

Le lendemain, je n'étais pas sorti avec les autres et le soir, même scénario. Sauf qu'à la fin, il me parle de mon érection et me demande si je me suis déjà caressé en étant seul. Quand il m'a demandé cela et a insisté pour que je lui montre, il m'a regardé faire et il m'a dit : "mais ce n'est pas comme ça, je vais te montrer !" mais je me suis abrité derrière les paroles de ma mère : "ma mère a dit qu'il ne fallait pas le faire" tout en me rhabillant en vitesse.

1ère chance donc que cette injonction maternelle.

Ma deuxième chance a été un animateur (dont je ne me rappelle malheureusement plus le nom) qui est venu me voir pour parler de ces "séjours dans le bureau du père Daniel". Il m'a demandé ce que nous y faisions, je lui ai répondu: "pour mettre de la crème sur mon bleu", puis m'a demandé pourquoi le porte était fermée à clef et je lui ai dit qu'il m'abaissait mon slip pour l'appliquer. Il m’a questionné sur cette nécessité contestable, et m'a demandé si j'avais encore mal. Comme je lui ai répondu que cela me faisait presque plus mal, il m'a dit : « donc, en tout cas, ce n'est plus nécessaire de continuer alors ?" et j'ai dit "oui". Je me souviens que cet animateur avait l'air d'être en colère.

Par-delà les années, je lui dis "merci".

J'aurais pu aller sortir avec les autres le lendemain, mais le père Daniel a demandé que je prenne encore une journée de repos. Pendant celle-ci, il m'a emmené seul avec lui en voiture pour faire une course, je crois. J'ai le souvenir d'avoir été mal à l'aise de cette proximité. Il a voulu s’arrêter dans une forêt, pour parler et prier... Nous marchions près de la voiture et il m'a questionné sur ma foi : "tu penses que Dieu est toujours présent et qu'il est avec nous en ce moment ?" Je suis persuadé que ma foi l'a touché, et que celle-ci m'a protégé dans ce moment qui aurait pu déraper fortement. Ma foi fut ma troisième chance.

Personnellement, j'éprouve de la pitié pour cet homme. Il avait décidé de donner sa vie à Dieu et aux autres, mais cela n'a pas suffi à lui donner suffisamment de force pour lutter contre ses pulsions. Je suis triste de l'avoir rencontré, mais malgré tout, je lui pardonne. »

Marc *- 58 ans

* Par respect des victimes, les prénoms sont modifiés.

"Pourquoi la porte

était fermée à clef ? "
 

"J'ai le souvenir d'avoir été
mal à l'aise de cette proximité."
 

"Je me suis toujours demandé si je n'avais pas enfoui d'autres traumatismes bien plus graves."

Sur la route

Le "rituel" des douches
 

" J 'écris ce témoignage suite à l'article paru le 18 mai dans le journal l'Union concernant ce prêtre. En effet je suis allé à Clefcy pendant mon enfance et ce qui est relaté dans cet article a fait remonter en moi des souvenirs identiques à ce qui est écrit. Je suis allé la première fois à Clefcy en 1982 (hiver), j'avais 7 ans. J'y suis retourné ensuite pendant plusieurs étés. Enfin je connaissais très bien ce prêtre car j'étais scout à St Maurice. Concernant les actes subis, cela se déroulait dans les douches au sous-sol près du garage et du ... babyfoot. Ce prêtre constamment présent dans ce lieu m'"inspectait" le pénis avec une grande "attention". Je devais me décalotter et il regardait s’il n'y avait plus de "points blancs" dessus, conséquences d'une mauvaise hygiène selon le prêtre. Cette scène s'est répétée plusieurs fois durant mes différents séjours. Cela ne m'a jamais semblé normal mais je n'ai rien dit pendant des années d'autant que ce prêtre avait une aura incroyable auprès de plein de personnes dont mes parents. Ce n'est que plusieurs années plus tard (il n'y a pas si longtemps, je vais avoir bientôt 50 ans) que j'ai évoqué le sujet avec mon épouse (avec elle seulement). Découvrir cet article avec autant de similitudes que mon histoire personnelle m'a pas mal chamboulé. En effet bien qu'anormales ces scènes vécues ne me semblaient au fond pas très graves compte tenu de ce que subissent d'autres enfants. Je ne me suis jamais vu comme une victime…. et pourtant ! Je me suis toujours demandé si je n'avais pas "enfoui" d'autres traumatismes bien plus "graves" vécus dans cette colonie. A priori non, mais je n'en suis pas certain...

Bravo pour ce que vous faites."

 

Mathieu *- 49 ans

* Par respect des victimes, les prénoms sont modifiés.

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